Après n'en avoir fait qu'une bouchée, il reposa le verre sur le comptoir. Ce n'était pas le premier de la soirée et surement pas le dernier non plus, il n'y avait là qu'un simple client comme les autres. Enfin c'est ce qu'il donnait à penser, pour un homme ayant vécu l'enfer il semblait plutôt normal. Autour de lui le monde continuait à bouger comme si de rien n'était, pour Raylan pendant si longtemps le temps s'était figé. On dit que c'est chose identique en enfer, là-bas le temps est plus long que dans le monde normal.

Mais ce détail ne l'avait jamais gêné, après tout un autre monde c'était la clé de la quête du jeune homme. Comme si toute sa vie il ne s'était pas reconnu dans un monde à la fois si lisse et si brutal, l'armée fut l'option la plus simple. Mais ce choix lui couta sa précédente relation amoureuse, pourtant il croyait en cette fille-là. Comme si avec elle tout aurait pu être différent. Après tout à quoi bon s'y attarder elle ne l'avait jamais compris, au mieux une perte de temps.

Ce n'était pas pour elle qu'il était assis à un bar, enchainant les verres comme s'il n'y avait rien d'autre que de l'eau à l'intérieur. On dit que la guerre vous change un homme, mais elle ne le change uniquement que jusqu'au point où il désire l'être. Ce n'était pas la première fois que le brun avait mis un terme à la vie d'un homme, bien longtemps avant cela dans son enfance. Il avait déjà dû s'y résoudre pour le bien d'une autre vie à protéger, ceci étant une autre histoire inutile donc de s'y attarder dessus. Non ce qui le faisait boire était une question toute simple, et maintenant ?

Dunham était revenu de la guerre une belle médaille accrochée au torse, gentiment remercier par l'armée. Son fait de bravoure avait offert à l'armée une belle pub pour son image de marque, alors que Raylan étant encore sur son lit d'hôpital, son officier était venu le voir avec un message « Le peuple adore les héros, il n'aime pas les héros mort. » On lui proposa un poste loin du front, mais Raylan le refusa préférant quitter un domaine où on lui refusait le droit d'être là où il le voulait. Mais de retour au pays la question s'était vite posée, que faire de sa vie ? A quoi pourrait bien servir un homme, ne sachant rien faire d'autre que se battre. Il pourrait bien devenir mercenaire dans la sécurité privée, ou tiens pourquoi pas flic.
De toute façon il n'était pas rare que les anciens soldats se tournent vers le crime, sans doute un appel à l'aide ou un truc du genre. Demain il commencerait un petit boulot dans la mécanique, c'est tout ce qu'il avait pu trouver en un aussi court délai. Comme tout combattant revenant du front on lui avait fortement demandé d'aller voir une psychologue militaire, ce n'était pas vraiment pour lui mais pour le symbole que Raylan était désormais.

Laissant un billet sous le verre Raylan quittait les lieux, dans le seul but de repartir vers sa chambre d'hôtel. Un endroit plutôt malsain, c'était le genre de motel que l'on voit dans les séries policières. Ou un cadavre fait souvent partie du décor, par chance cette nuit-là elle n'allait abriter qu'un type de retour chez lui. Une fois dans la chambre le soldat s'écroula sur le lit pour s'endormir comme une masse, sans doute aidé par l'alcool si présent dans son sang. !