Parfois je repense à mon parcours... On dit souvent qu'on apprend de nos erreurs et qu'il ne faut pas se retourner sur le passé. Pourtant, je ne peux pas m'en empêcher. Et c'est de plus en plus fréquent. Plus j'avance, et plus je me retourne sur ce qui a fait hier. A tel point que j'en oublie demain. Jamais mes grand-parents ne m'auraient prédis un tel avenir, et qu'ils reposent en paix pour la bienveillance qu'ils ont toujours eu à mon égard. A moitié irlandaise, je dois ces origines à ma mère, que je n'ai malheureusement jamais connu. Trop petite pour me rappeler de son visage et de la prétendue douceur de sa voix, je me fis à quelques photos qu'ils ont bien voulu me laisser. A leur décès, alors que j'avais à peine 13 ans, j'ai dû déménager puisque ma garde avait été confiée à mon père. Il a probablement dû regretter de m'avoir reconnue comme étant sa fille à ma naissance, pensant peut-être qu'il n'entendrait jamais parlé de moi avant ma majorité. J'ai d'ailleurs très vite compris ce désintérêt et fait en sorte de me débrouiller par moi-même. Solitaire, mais pas associable, je me suis tournée vers les amis. Toute sage à mon arrivée, et ne voulant surtout pas me faire remarquer comme étant la petite irlandaise avec son accent bizarre, j'ai eu les fréquentations qui allaient avec... Calme, correcte, bien sous tout rapport. Et en grandissant, j'ai gagné en assurance. Je me suis peu à peu imposée dans ce paysage typiquement américain, avec ses clichés et ses surprises. C'est à l'approche de mes 17 ans que je me suis réellement émancipée. Du moins pour ce qui était de me responsabiliser. ''Papa'' était toujours derrière pour me donner le minimum vital lorsqu'il s'agissait d'aller faire les courses, mais je me débrouillais seule. C'était ça, ou je pouvais, vulgairement dit, crever la bouche ouverte ! Pour ce qui était de me critiquer, ou encore de me comparer aux souvenirs qu'il avait de ma mère, il était bien là. Pour le reste... A moi d'aviser. Et le niveau de mes fréquentations ayant tendance à réellement chuté, j'ai fini par me prendre la tête avec mon géniteur. Sérieusement. A tel point qu'à mes 18 ans, il a souhaité mettre un terme à notre guerre froide en me faisant ma valise. J'étais majeure ailleurs que chez lui, je pouvais donc disparaître. Jeune fille, pas assez mûre pour prétendre au statut de femme, j'étais livrée à moi-même. J'ai lâché mes études à la fin de l'année, après la miraculeuse obtention de mon diplôme, et je suis partie. Aussi loin que j'ai pu. Pour atterrir ici, et tenter tant bien que mal de m'installer. Avec 2 pauvres dollars en poche, j'ai malheureusement dû emprunter aux mauvaises personnes, jusqu'à m'enterrer littéralement sous des dettes, qui ont eu raison de moi. C'est comme ça qu'on en arrive à aujourd'hui...

Et aujourd'hui, c'est pas joli-joli ! Je bosse comme une folle, pour un salaire de misère. En même temps, on nous prévient à l'avance que serveuse n'est pas la carrière rêvée pour rouler sur l'or. Mais à 20 ans, contrainte de mentir sur son âge à un patron peu regardant -lorsqu'il s'agit de paperasse, le reste il sait mâter et il ne s'en prive pas-, et cohabitant dans un minuscule petit appartement avec une pote, on ne se pose pas trop de question et on va chercher de quoi payer sa part du loyer là où l'argent se trouve. Tenues sexy de mise pour un service interminable, des migraines à n'en plus finir... Même une fois coucher, elle continue à résonner dans votre tête, c'est pour dire ! J'ai l'impression que je m'en sortirais jamais. On me surveille, on veille à me menacer comme il se doit pour que je rembourse la dette qui ne cesse pourtant de grossir au fil des jours, et je me retourne le cerveau pour trouver une solution. Et ma sortie de secours je l'ai peut-être trouvé. Elle s'appelle Blake.

Blake, c'est un mec que j'ai rencontré il y a à peine deux mois. Le beau gosse que tes chères collègues ont le plaisir de servir quand toi tu n'es pas de service et que tu viens simplement chercher ta paye. T'es dégoûtée, puis tu réalises que contrairement à elles, toi, tu peux te faire remarquer. Alors tu traînes un peu, alors que les clubs t'en as ta claque. Et tu prends plaisir à danser avec lui, à titiller son curiosité et faire gonfler son ego de mâle en le flattant avec quelques sous entendus. Au final, tu t'amuses et tu finis dans ses bras. Une nuit tout ce qu'il y a de plus charnelle. Sans questions, sans attaches. Du plaisir et rien que du plaisir. Au petit matin, alors qu'il dormait paisiblement, j'ai préféré m'éclipser et laisser ce jeune Mr. Kendall dormir. A la base il avait tout d'un coup d'un soir, celui qui te fait sourire en te remémorant un fabuleux orgasme, jusqu'à ce que j'entende parler de lui dans les médias locaux et que je vois en son joli minois un ticket gagnant de loterie ! Et je me suis lancé dans une des ces histoires ! Si je n'étais pas autant dans la merde, je me ferais presque peur ! Ne sachant pas vraiment dans quoi je m'embarquais et imaginant surement qu'il me ferait un chèque pour que je dégage de sa vie sans plus attendre, j'ai eu un peu de mal à le contacter et je lui ai finalement annoncé que j'étais enceinte. Grossesse complètement imaginaire, mais il y croit. Plus ça va, et plus je m'enfonce dans mes mensonges... Et le comble, il veut connaître son bébé... Mon dieu, qu'est-ce que j'ai fait ?